Les cellules photovoltaïques au silicium amorphe


Il existe deux techniques pour exploiter le silicium (ou d'autres matériaux tels des composés) dans la fabrication des photopiles. La première, déjà ancienne puisque les premières réalisations datent de la fin des années 50, utilise la structure cristalline. La deuxième, basée sur l'emploi du silicium amorphe, est beaucoup plus récente, puisque née d'une découverte faite en 1975. Elle a pourtant dès maintenant franchi largement le stade du laboratoire, au moins pour les faibles puissances, et la rapidité des progrès laisse entrevoir un avenir prometteur, tant sur le plan technique que sur le plan financier.

En France, seule, pour l'instant, la société Solems à misé sur cette technique, grâce au dynamisme de lonel Solomon, Directeur de Recherche au Laboratoire de Physique de la Matière Condensée de l'Ecole Polytechnique. L'industrialisation a été permise avec à la contribution du Crédit Agricole et de Total.

Nous comparerons, au cours de cet article, les propriétés des photopiles cristallines e : amorphes, et nous dirons quelques mots des procédés de fabrication de ces dernières.

L'effet photovoltaïque


Au sein d'une jonction semicon-ductrice PN comme celle de la figure 1, l'absorption d'un photon suffisamment énergétique donne naissance à une paire électron-trou. Le champ électrique interne à la jonction, entraine alors le trou vers la région P, et l'électron vers la région N.

Il apparaît ainsi, aux bornes du dispositif, une différence de potentiel. Si on le ferme sur un circuit extérieur, un courant circule. L'ensemble, qui se comporte comme une pile sensible aux photons (c'est-à-dire à la lumière) s'appelle une photopile.



Cet effet, qui ne se manifeste que dans les semiconducteurs, implique la possibilité d'y construire, par dopage du semiconducteur intrinsèque, des régions de type P et de type N, donc une jonction.

Silicium cristallin et silicium amorphe

Tout cristal est un réseau résultant de la répétition périodique, et tridimensionnelle, d'un arrangement élémentaire des atomes, baptisé « maille ». La cohésion de l'ensemble, et la régularité de cet arrangement, sont la conséquence de la mise en commun des électrons de valence de chaque atome avec ses plus proches voisins, de façon à remplir la couche externe de chacun.

La figure 2, qui est une vue plane et donc arbitraire de cette structure, la précise dans le cas du silicium. L'atome 0, dont les électrons sont symbolisés en blanc, « profite » des électrons (dessinés en noir) de ses plus proches voisins 1, 2, 3 et 4. Chaque mise en commun constitue une liaison de covalence, que nous matérialiserons désormais par un simple trait.

Les cristaux sont rarement parfaits : ils sont affectés de dislocations et de lacunes. Souvent, l'ordre cristallin ne se maintient qu'à faible distance, dans des zones voisines du matériau. On obtient alors un état polycristallin, constitué de la juxtaposition de domaines cristallins différemment orientés.

A la limite, une destruction quasi-totale du réseau conduit à l'état amorphe, dont la figure 3 donne une image. La densité des défauts devient si grande, que de très nombreuses liaisons sont cassées, faute d'un atome assez proche pour échanger des électrons.

Le silicium amorphe hydrogéné

On peut préparer du silicium amorphe (nous verrons plus loin par quel procédé) en décomposant de l'hydrure de silicium, ou silane, Si H4. Des expériences effectuées en 1975-1976 ont montré que le matériau obtenu, contrairement au silicium amorphe pur, présentait d'excellentes propriétés semiconductrices.


On interprète ce résultat par l'insertion d'atomes d'hydrogène (un seul électron périphérique) dans le silicium (figure 4). Chacun de ces atomes échange son électron avec un atome de silicium « insatisfait », et rétablit ainsi une liaison autrement cassée. Le produit obtenu de la sorte prend le nom de silicium amorphe hydrogéné.

Les recherches menées dès 1976 ont montré la possibilité d'un contrôle reproductible des propriétés électriques du silicium amorphe hydrogéné, par dopage substitutionnel. Ainsi, on passe du semi-conducteur intrinsèque au semi-conducteur de type N, en substituant des atomes de phosphore à certains atomes de silicium. De la même façon, on obtient du semi-conducteur de type P en insérant des atomes de bore. Les premiers proviennent, dans le processus de fabrication, de la présence de phosphine PH3; les secondes, de celle de diborane B2 H5.


Structure d'une photopile au silicium amorphe

Cette structure est schématisée dans la figure 5. Alors que la photo-conductivité du silicium amorphe intrinsèque est excellente, elle devient nettement moins bonne dans le matériau dopé au phosphore ou au bore; en particulier, le temps de recombinaison est sensiblement plus court, ce qui diminue le rendement dans la production de paires électron-trou.


Aussi, adopte-t-on la structure PIN, c'est-à-dire celle d'une couche de semi-conducteur intrinsèque I prise en sandwich entre des couches P et N : les paires électron-trou prennent alors naissance dans la région intrinsèque. Cette alternance PIN apparaît dans la figure 5, avec une épaisseur typique d'environ 120 A pour la couche P, de 6000 A pour la couche intrinsèque, et de 500 A pour la couche N (rappelons que 1 A = 10-4 um).

La couche transparente d'oxyde d'étain Sn02 joue un double rôle : d'abord, conductrice, elle constitue l'une des électrodes; ensuite, de par son indice de réfraction et le choix de son épaisseur, elle sert de couche anti-reflet pour la lumière qui atteint la jonction, après traversée du support en verre. Enfin, la deuxième électrode s'obtient en déposant une métallisation, généralement de l'aluminium, sur la couche N.

Fabrication des photopiles au silicium amorphe


Dans l'état actuel des recherches, on obtient les meilleurs propriétés photovoltaïques avec du silicium amorphe hydrogéné obtenu par décomposition, en décharge luminescente (création d'un plasma), de silane Si H4 ou de disilane Si2 H6 sur un substrat porté à 250°C. Le matériau obtenu contient 8 à 15 % d'hydrogène, et offre une bande interdite de 1,75 eV.


La technique de fabrication est schématisée en figure 6. Placé dans un bâti à vide, le substrat (verre recouvert de Sn02) est chauffé entre 200 et 250° C. Trois réservoirs, qu'on peut isoler ou mettre en communication avec le bâti à travers les vannes V1, V2 et V3, contiennent respectivement, à l'état gazeux, le silane Si H4, le diborane B2 He, et la phosphine PH2. Enfin, un générateur à haute fréquence (13 MHz), permet d'ioniser le gaz ou le mélange de gaz injecté dans l'enceinte, donc de créer le plasma. Les gaz introduits sont très purs, et on travaille dans un vide de 2 à 3. 10-2 Torr, mais propre : les produits du cracking des huiles de la pompe sont éliminés dans des pièges à chicanes.

La succession des opérations, pour l'obtention de la structure PIN, est alors la suivante :

• on ouvre simultanément les vannes V1 et V2, ce qui donne un mélange de SiH4 et de B2H6. Le plasma contient Si, B et H et se dépose sur le substrat pour y former la couche P de la jonction.
• on ferme V2 : seul reste le silane, qui forme la couche intrinsèque.
• on ouvre maintenant V3, pour obtenir un mélange de silane et de phosphine, conduisant au dépôt de la couche semiconductrice N.

Cette technique de préparation, par dépôt d'un plasma, se prête bien à la fabrication de cellules élémentaires de grande surface, donc capables de débits importants. Les tensions plus élevées (chaque cellule délivre entre 0,4 et 0,8 volt en circuit ouvert) s'obtiennent par la mise en série des éléments, pour constituer des modules. Or, ici, il est facile de construire de tels modules directement, en évitant des opérations ultérieures d'assemblage et de soudure.


Le procédé employé (et breveté par Solems) consiste à isoler des caissons par masquage et électroérosion, ou par découpe au faisceau laser (actuellement abandonnée à cause de son coût), méthode qui peut être automatisée, et se prête ainsi à la production en grandes séries. La structure d'un panneau ainsi construit, apparaît à la figure 7. La métallisation de chaque diode (couche d'aluminium) est en contact électrique avec l'électrode transparente, en oxyde d'étain de la couche suivante.

Les modules actuellement livrés sur stock par la société Solems, rassemblent de 5 à 24 éléments connectés en série, sur des supports de verre de 2 mm d'épaisseur (voir nos photos).

Amélioration du rendement des photopiles amorphes

La structure décrite à la figure 5 est celle des photopiles construites selon la technologie des années 1977-1980. Elle conduit aux propriétés typiques suivantes, pour une lumière solaire d'une puissance de 1 kW/ m2 :

• tension en circuit ouvert (fem) : Vco = 0,8 volt
• courant de court-circuit : Icc = 8,5 mA/cm2
• rendement global : 4,4 % environ. La dernière caractéristique (rendement de 4,4 %) reste encore éloignée du maximum théorique, qu'on estime voisin de 15 %. Il importe, pour améliorer le produit, de cerner toutes les origines de cette faible valeur, puis d'y trouver des remèdes.

Un certain nombre de pertes proviennent de causes purement technologiques. L'une d'elles est l'absorption de lumière par la couche d'entrée dopée de la diode, généralement la couche P, dont le coefficient de transmission, pour du silicium et avec une épaisseur de 120 A, n'excède guère 60 % (40 % de pertes). Une amélioration possible consiste à remplacer le silicium poar un alliage silicium-carbone, dont l'absorption reste négligeable dans le domaine de la lumière visible. Toutes autres conditions égales, on passe ainsi à des intensités de court-circuit de 14 mA/cm2, au lieu de 8,5 m A/ cm2, avec un rendement (en laboratoire) de 8 %. Corrélativement, la barrière de potentiel étant plus élevée, la tension Vco en circuit ouvert atteint 0,9 V.

Une limite fondamentale tient, elle, au matériau qui, pour une bande interdite de 1,75 eV, est transparent dans le rouge et l'infrarouge : ces longueurs d'onde traversent alors la couche, trop mince, sans que les photons associés y produisent de paires électron-trou. On peut y remédier en allongeant le trajet des rayons lumineux. A cet effet, la structure de la face arrière est étudiée pour donner une réflexion diffuse (figure 8), et les rayons secondaires subissent à leur tour des réflexions multiples. Cette technique a permis d'obtenir des intensités de 17,8 m Al cm2, avec un rendement de conversion dépassant 10 % (travaux de laboratoire, 1982).

Dans l'avenir, des solutions encore meilleures pourront être trouvées avec des matériaux offrant une bande interdite mieux adaptée aux longueurs d'onde du rayonnement solaire, et les recherches en ce domaine se poursuivent activement dans plusieurs laboratoires du monde : elles portent sur des alliages silicium-germanium ou silicium-étain, qui paraissent très prometteurs, mais posent encore des problèmes. En effet, les affinités des composants y sont différentes pour l'hydrogène, ce qui entraîne, dans l'état actuel des techniques, un mauvais remplissage des liaisons cassées.



Caractéristiques des photopiles amorphes

Contrairement à l'usage qu'en font trop d'utilisateurs, mal familiarisés avec ce type de produit, une photopile doit être essentiellement considérée comme une source de courant : c'est ce qu'explicite la courbe de la figure 9, qui représente la caractéristique courant-tension d'un élément de 1 cm2, sous un éclairement de 150 lux (valeurs typiques pour une photopile Solems). Dès que l'intensité délivrée entraine le point de fonctionnement à gauche de la zone AB, le courant demeure constant, et égal au courant de court-circuit Icc.

Il est alors naturel de s'intéresser à deux caractéristiques : la possibilité d'utilisation aux très faibles éclairements, et la linéarité de la réponse courant-éclairement. On constate ici des résultats remarquables, puisque quelques lux suffisent à activer la cellule. Quant à la linéarité, les mesures que nous avons effectuées sur deux types de modules confirment les caractéristiques annoncées par le constructeur, et indiquent des écarts de l'ordre de 1 à 2 % entre 50 et 2000 lux. On pourra donc utiliser ces produits comme capteurs pour la mesure des éclairements.

Le rendement, en fabrication de série, atteint environ 5 %, et les puissances s'échelonnent, suivant les modèles de 135 uW à 1,5 W, pour un éclairement de 1000 lux (la dernière puissance, pour un groupement de 24 photopiles en série, sur une surface de 20 X 20 cm2, correspond à un éclairement d'environ 100 000 lux).

Les courbes de la figure 10 donnent, avec une échelle arbitraire en ordonnées, les réponses spectrales comparées de cellules photovoltaïques au silicium monocristallin, au silicium amorphe, et de l'oeil moyen défini par la CIE (Commission Internationale de L'Eclairage). On constate immédiatement que, contrairement au cas du matériau cristallin, le silicium amorphe offre n maximum de sensibilité pour la même longueur d'onde que l'oeil, soit 0,550 um. Par filtrage, il serait assez simple de modeler la réponse pour reproduire celle de l'oeil, ou de diverses émulsions photographiques.

Avantages et inconvénients de la solution « amorphe »

Les techniques de fabrication des photopiles au silicium amorphe entraînent une économie considérable d'un matériau coûteux. Pour réaliser des cellules monocristallines, on doit utiliser des plaques de 300 à 400 um d'épaisseur, contre 1 um environ dans l'amorphe. Ces plaques sont découpées dans un lingot cylindrique obtenu par tirage, et le sciage entraine encore une perte proche de 50 %.

Outre l'économie de matériau, la voie « amorphe » se caractérise par une économie de travail, en réduisant le nombre d'étapes à la construction, et en facilitant l'automatisation. Comme nous l'avons vu, l'obtention directe d'éléments connectés en série sur un même support, élimine les travaux d'assemblage. Enfin, la forme carrée des modules réduit le foisonnement, dans le cas où on désire en grouper plusieurs dans des panneaux à grande puissance.

La seule faiblesse actuelle réside dans les rendements relativement faibles. En production de série ils se limitent à 5 %, contre 10 à 12 % pour les cellules cristallines (maxima théoriques respectifs de 15 et 22 %). Mais les progrès semblent rapides, puisque les 10 % sont dépassés en laboratoire.


Le domaine des utilisations

Dans l'état actuel des techniques, et compte tenu de leurs caractéristiques propres, les photopiles amorphes ne visent que le domaine des petites ou très petites puissances. Elles sont, par exemple, déjà utilisées par les Japonais dans certaines calculettes. Les responsables de Solems s'intéressent d'ailleurs à trois secteurs principaux qui confirment cette orientation : l'horlogerie, la petite instrumentation, et la télémesure.

Certains dispositifs n'exigent de fonctionner qu'en présence de lumière : ceux, par exemple, qui comportent un affichage à cristaux liquides. Dans ces conditions, aucun stockage d'énergie n'est nécessaire, et l'alimentation s'effectue directement à partir des photopiles. Dans le cas contraire, en horlogerie par exemple, un stockage peut être réalisé à l'aide de batteries au cadmium-nickel, avec ou sans régulation de la charge (régulation shunt, pour éviter les chutes de tension). La sauvegarde de mémoires relève des mêmes orientations. Pour des durées suffisamment courtes (quelques heures), et des consommations très faibles, on peut même envisager de remplacer la batterie par un condensateur de forte capacité.

La sensibilité aux faibles éclairements, et la linéarité de la réponse intensité-éclairement, incitent à concevoir des détecteurs de seuil, et des luxmètres.

En règle générale, une adéquation s'impose entre le producteur (photopile) et le consommateur (montage alimenté). Elle obligera à une nouvelle conception des circuits ...

Electronique Loisirs N455 1985

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